Africanisme et modernisme

La Peinture et la Photographie d’inspiration coloniale en Afrique centrale (1920-1940)

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Au lendemain de la Première Guerre mondiale, face au profond traumatisme engendré par le conflit meurtrier en Occident et au désenchantement croissant produit par l’industrialisation de masse, l’intérêt et la curiosité pour l’Afrique redoublent d’intensité. Alerté par la crise mondiale de 1929, le monde « développé » entrevoit dans la cadence accélérée de l’exploitation des colonies une chance de relance de son économie malmenée. La série des grandes expositions coloniales et internationales qui se succèdent à partir de 1930 en est sans doute le reflet, qui permet en même temps de mieux appréhender les ressources, les modes de vie et les populations des territoires conquis. Quelques explorations africaines d’envergure réalisées au cours des années 1920 – dont la fameuse Croisière noire « Citroën » de 1924-25 est la manifestation la plus éclatante – s’inscrivent déjà dans ce contexte. Dans une dimension plus philosophique cette fois, les Européens veulent en quelque sorte « laver » la culpabilité de leurs discordes internes et de leur décadence sociale en se retrempant dans le bain de jouvence et d’innocence que leur renvoie apparemment l’image des terres encore « vierges » – « untained », disaient les Anglo-saxons – du continent noir. Sur un plan esthétique enfin, ce besoin profond de ressourcement au contact d’une culture radicalement différente mais qualifiée de « primitive » se fait sentir au même moment dans les milieux artistiques lassés des raffinements et des fadeurs de l’Art nouveau. L’avènement de l’Art déco durant l’Entre-deux-guerres devient ainsi un avatar du primitivisme. C’est essentiellement de ce courant que relèvent la plupart des africanistes peintres et photographes (Auguste Mambour, Alexandre Iacovleff, Fernand Lantoine, Pierre de Vaucleroy, Allard l’Olivier, Marc Allégret, Casimir Zagourski, etc.) qui découvrent à tour de rôle l’Afrique de leurs propres yeux au cours de cette période. Moins connus que ceux des primitivistes radicaux comme Picasso ou certains expressionnistes qui leur sont contemporains, leurs noms et leurs œuvres méritent d’être redécouverts.